San Guglielmu Saint-Guillaume :
vie, mort et résurrection d’une chapelle.
La chapelle Saint-Guillaume –San Guglielmu en langue corse- est l’une des huit chapelles de la commune de Pietracorbara. Avec Saint-Pancrace, au hameau de Lapedina suprana (Lapedina-le-haut), Saint-Guillaume est l’autre édifice religieux du hameau de Lapedina suttana (Lapedina-le-bas). Sa construction remonterait au XVIIIe siècle. Selon la tradition orale, Saint-Guillaume était la chapelle des habitants de Vecchjulacce et de Cateraghju, deux hameaux agricoles qui ont périclité durant la première moitié du XIXe siècle avant d’être abandonnés par la population qui s’est regroupée à Lapedina.
Au début du XXe siècle, la chapelle est encore le lieu d’une importante activité cultuelle comme l’atteste la photographie des confréries, probablement prise en 1901, le matin du Vendredi Saint. Ce lieu de rassemblement des fidèles est situé sur le trajet qui conduit, par le hameau de l’Ornetu, à l’église Saint-Clément, distante de 1,2 km avec un dénivelé négatif de 200 m. La procession du Vendredi Saint empruntait chaque année ce chemin –a strada di a Croce– qui serpente dans le maquis et s’enfonce ensuite sous les châtaigniers.
La chapelle connaît une désaffection à partir des années 1930. Le toit s’effondre au cours de cette décennie. Le lieu de culte est abandonné jusqu’en 1959, date à laquelle l’abbé L’Hostis, curé de Pietracorbara, après avoir fait dégager les restes du toit effondré, y célèbre, écrit-il, « la messe pour la dernière fois ».
En 2023, soit 64 ans plus tard, l’association Chapelles de Pietracorbara s’engage dans la sauvegarde du lieu. Elle fait enlever les neuf arbres qui ont poussé à l’intérieur, stabilise le sol en terre battue de l’édifice, reconstruit l’autel et dresse une croix monumentale, en bois flotté, sur le mur pignon. Une première messe a lieu le 22 juillet 2023. D’autres célébrations peuvent désormais se dérouler dans la chapelle à ciel ouvert.
Quatre murs dressés au bord de la route communale qui relie Lapedina suttana à Lapedina suprana. Quatre murs à ciel ouvert, sans toit et sans porte : en 2022, la chapelle abrite encore neuf arbres, principalement des chênes. Ils ont poussé là dans l’indifférence générale. Le plus volumineux d’entre eux a vingt-huit ans. Les autres sont plus récents. Ils occupent tout l’espace. Pour avancer, il faut se frayer un passage entre les branches. On atteint un parallélépipède massif surmonté de pierres et de terre : c’est l’autel, ou ce qu’il en reste. Une niche carrée, maçonnée dans le mur nord, confirme que le lieu a une vocation cultuelle.
La première action menée est la suppression des arbres qui ont poussé dans l’enceinte. C’est chose faite en décembre 2022. La seconde intervention concerne la reconstruction de l’autel. Il est refait en juillet 2023, en partie avec des lauzes de réemploi. “Les ardoises réutilisées, explique Anne-Marie Orsatelli, la présidente de l’association Chapelles de Pietracorbara, ont été offertes par une personne originaire de Lapedina. Elles proviennent d’une maisonnette sans toit. Ces lauzes sont désormais la parure de l’autel.”
Les initiateurs du projet ont voulu pousser plus loin la symbolique. Ils ont enchâssé dans le corps de l’autel des pierres ramenées des quatre coins du monde. Une façon de rendre hommage aux habitants de Lapedina et d’abord aux marins, très nombreux dans ce hameau. Les pierres choisies sont d’abord celles des îles : Capraia, l’île en face du Cap Corse, que l’on redécouvre chaque matin depuis Lapedina (au centre, entre la table d’autel et le premier gradin).
Il y a ensuite, la Sicile (au centre, sous la table d’autel) et, beaucoup plus loin encore, l’île-continent de Madagascar (à gauche, au-dessus du premier gradin). Et puis il y a une pierre différente, ramenée de la baie d’Halong, au Vietnam. Elle ressemble à un rayon de miel vidé de son nectar. Cette sécrétion de calcite en alvéoles se veut une évocation des très nombreux ruchers sauvages que l’on trouvait au-dessus de Lapedina.
Il y a aussi une pierre du Mexique (à gauche, au-dessus de la table d’autel et juste en-dessous du premier gradin) et un caillou de Cayenne (à droite, au-dessus du premier gradin). Mais la pierre la plus importante est le calcaire de Bethléem qui trône au centre de l’autel. Il rappelle le lieu de naissance de Jésus.
Au-dessus de l’autel se dresse une croix. « On est frappé par l’aspect contemporain de cette croix épurée, dont la sobriété s’accorde bien avec cette chapelle à ciel ouvert, explique Anne-Cécile Antoni, membre de l’association Chapelles de Pietracorbara. De plus, cette croix est inspirante. D’abord, parce ce que le bois flotté dont elle est faite est d’un blanc laiteux, comme a pu l’être l’aube du jour de la Résurrection du Christ. Ensuite, parce que la croix est irrégulière. Cette absence de symétrie intrigue. La traverse horizontale de la croix ne l’est pas tout à fait : elle se relève et pointe vers le ciel. Ce bras relevé ne désigne pas seulement le ciel : c’est à nous qu’il fait signe, en nous entraînant dans le sillage de Jésus. »
Le bois de cette croix a été ramassé à la marine de Barcaghju, à Ersa, à la pointe du Cap Corse.
Parmi les saints Guillaume dénombrés par l’Église catholique (plus d’une quarantaine), le saint Guillaume de la chapelle de Lapedina est le saint italien San Guglielmo da Vercelli (1085-1142) né au Piémont, appelé aussi San Guglielmo di Montevergine. Il est ermite et réalise de nombreux miracles.
La chapelle Saint-Guillaume de Pietracorbara se visite 24h sur 24h et sans rendez-vous. Bonne visite !
Corse-Matin a consacré un article à Saint-Guillaume dans son édition du 19 juillet 2023 :