Le tour du Cap en 90 photos

En 2020 puis en 2021, quatre-vingt-dix jours séparent le premier jour de l’hiver (21 décembre) du premier jour du printemps (20 mars).
L’association Chemin de Lumière veut mettre à profit ce temps de gestation pour préparer l’avènement du printemps 2021. U Veranu. En 2020 ce temps de renouveau a été celui de l’épidémie et du confinement. Que sera celui de 2021 ?
Chemin de Lumière parie sur une embellie et des libertés retrouvées. Celle, d’abord, d’aller et venir. De nos plages jusqu’à la Serra. L’association anticipe et se propose, chaque jour, de publier sur son compte Facebook, une photographie prise dans l’une des dix-huit communes du Cap Corse historique. De Brando à Olmeta, en passant par Pietracorbara, Luri, Rogliano, Barrettali, Nonza et toutes les autres.
Ces quatre-vingt dix photographies, succinctement légendées, donneront à voir un Cap Corse de nuages, de pluies, de vents et de tempêtes mais aussi de bleus incertains ou radieux qui annoncent la belle saison.
Isthme des sentes et des chemins, des sommets au littoral, lumières des extrêmes, des côtes du Levant à celles du Ponant, le Cap aura son tour en quatre-vingt-dix photos. Elles raconteront une terre loin des chromos habituels. Plus âpre, plus sombre mais toujours autant monumentale.
Ces images figureront aussi sur le site de l’association comme un i-calendrier du veranu  que l’hiver, comme chacun sait, prépare chaque année en secret.

Lundi 21 décembre
Du haut du mont Minerviu (416 m) sur la commune de Barrettali, la côte torturée s’étire vers le sud. Le hameau éponyme fait bloc autour de l’église Saint-André. Et la mandarine, qui a gardé ses feuilles, resplendit comme un soleil d’hiver.

Mardi 22 décembre
Tempête à la marine de Pietracorbara, village de départ du Chemin de Lumière. Une mer en furie et un libecciu déchaîné font table rase de la douce plage de sable fin.

Mercredi 23 décembre
Brouillard tenace sur le chemin de la tour de Sénèque, à Luri. Des panneaux de l’association l’Amichi di u rughjone indiquent les directions. Torra Seneca est juste là, à gauche, mais invisible, masquée par le voile de crachin qui se empaquette la tour.

Jeudi 24 décembre
En cette veille de Noël, filons à Canari pour profiter d’un soleil couchant sur le mur de Santa Maria, église piévane et romane du XIIème. Sur la pierre finement taillée, des inscriptions datant de 1428 (Petre Scritte) creusées, ourlées d’ombre et de soleil et toujours mystérieuses.

Vendredi 25 décembre
Notre Dame des Grâces, à Morsiglia, posée sur un gazon toujours vert. Le soir, les ombres s’allongent et les façades s’illuminent au dernier soleil qui va disparaître dans l’horizon.

Samedi 26 décembre
Bassin et toit de lauzes du moulin Scartabelli à Cagnano. Fin novembre, cette année, les meules ont fini de tourner pour broyer les châtaignes et livrer la farine. La cheminée a longtemps fumé et le bois en abondance attend de nourrir le prochain feu.

Dimanche 27 décembre
A Ersa, sur la petite route qui conduit au sémaphore, se détache, sur l’horizon, le mamelon du Riuzzulu, presque parfait, balafré par une piste qui grimpe jusqu’en son sommet.
Cette colline a inspiré Ange Leccia. Il y a tourné une scène pour son film Nuit bleue.

Lundi 28 décembre
Olmeta di Capicorsu possède avec a Grotta Scritta, un lieu unique en Corse. C’est un abri datant de l’Age de Bronze (1800 av. JC) avec des peintures rupestres. Le sentier qui y mène, tapissé de figuiers de Barbarie, est à flanc de colline et paraît, en toutes saisons, s’élancer dans le vide.

Mardi 29 décembre
A Meria, la chapelle dédiée à saint Antoine de Padoue domine la mer. Posée sur une hauteur, en aplomb de la route du Cap, elle occupe un observatoire naturel pour scruter le canal de Corse et son autoroute de la mer.

Mercredi 30 décembre
L’îlot de Capense à Centuri vu du Scalettu, petit abri pour barques de pêche sur la côte occidentale du Cap.

Jeudi 31 décembre
Trouée de soleil sur Rogliano. Paysage sombre avant l’orage. Photo Pascal Dolémieux.

Vendredi 1er janvier
Rocher dressé, totem, cairn géant des marcheurs sur le Chemin de Lumière au départ de Pietracorbara, U Frate, ce moine à la capuche gonflée par le vent (ainsi le voyaient les anciens), veille sur la vallée avec un œil qu’il ne ferme jamais.

Samedi 2 janvier
Sur le chemin des douaniers, entre Ersa et Centuri, se dresse des cairns pas comme les autres. Ils sont composés de moellons oranges, une pierre de l’ère primaire : la péridotite. Elle affleure, ici, à la surface du sol. En général, elle est aux tréfonds de la Terre, dans le socle hercynien de notre planète.

Dimanche 3 janvier
Ombre et soleil sur la chapelle Saint-Jean de Sisco. Située sur le col éponyme, à 970 m d’altitude, San Ghjuva est un point de passage obligé entre les versants est et ouest du Cap Corse. Le soleil déclinant l’illumine, ici, au milieu d’un océan d’ombre.

Lundi 4 janvier
Sellole (970 m d’altitude) est au pied du Monte Alticcione (1139 m), c’est le dernier sommet au nord du Cap de plus de 1100 m du massif de la Serra. C’est au col de Sellole (commune de Cagnano) que passe le Chemin de Lumière. Sur l’aire à battre le grain, avec ses pierres dressées et légèrement inclinées, la halte des marcheurs est familière et la vue sur l’isthme capcorsin récompense de l’ascension pour l’atteindre.

Mardi 5 janvier
Sur le sentier des moulins ruinés de Morsiglia, tout près du Monte Rossu, il est une heure qu’il ne faut pas rater, celle du coucher du soleil.

Au plus tôt, en hiver, le rendez-vous est à 17h. Avant de sombrer dans l’horizon, le soleil « cou coupé » d’Apollinaire, illumine tous les caps et les creux de la côte ouest. Au fond, la pyramide du Monte Minerviu s’élève en majesté sur la mer. Il est, de toute éternité, le repère naturel des marins le long des rives du couchant.

Mercredi 6 janvier
Sur les hauteurs de Brando, la pierre et la mer se répondent. La grise écaille des lauzes converse avec le pelage rugueux des vagues. L’ombrelle hirsute d’un pin parasol rivalise avec le toit en dôme d’un tombeau. La lumière est douce et habille l’ensemble du paysage à l’heure incertaine de l’hiver.

Jeudi 7 janvier
A Pino, l’ancien couvent Saint-François, fondé en 1495 par l’ordre des Observantins et repris, ensuite, par les Franciscains, bénéficie d’une situation idéale pour contempler la mer, la côte, jusqu’à l’îlot de Capense de Centuri. Ces voûtes modernes ressemblent à un décor de cinéma dans un studio désaffecté. Mais la bâtisse de l’ancien couvent, elle, est sauvée grâce aux dons des particuliers et à la Fondation du Patrimoine.

Vendredi 8 janvier
A Ersa, sur le petit port de Barcaggio, l’île de la Giraglia semble à portée de main. Elle ressemble à un gros rhinocéros en train de prendre son bain. La jetée est faite en moellons de Marcolino, une pierre volcanique sombre, incrustée d’éclats de mica. La mer, ici, n’est plus qu’une ligne, un trait d’horizon qui barre un monde minéral.

Samedi 9 janvier
En haut de la vallée de Sisco trône Saint-Michel. La chapelle romane daterait de 1030 (Petre Scritte). Elle est posée sur un rocher de schiste, un plateau lustré qui est aussi le sol intérieur de la chapelle.  Le lieu est étonnant. Entre maquis et prairie, entre rochers et arbres secs, San Michele se dresse face à l’horizon, bâtisse parfaite dans ses proportions et l’agencement de ses pierres. Les hameaux, perdus dans l’immense vallée, ressemblent à des petits cubes de pierres posés çà et là. Et, posée aussi, sur la mer, l’île d’Elbe en miroir dialogue avec le continent corse.

Dimanche 10 janvier
Sur la plage de Nonza, le temps est à l’orage. Les galets sombres en stérile d’amiante racontent l’histoire de ce bout de Cap. Ici, à cet endroit, la plasticienne Florence Arrighi, a créé une œuvre mémorielle, un geste de Land Art : « Sainte Julie dans son jupon de mer ». Ce jeu de formes et de couleurs se découvre à ras de plage mais aussi et surtout depuis le belvédère de Nonza. Chaque 15 août il est illuminé. Photo Stéphane Guiraud.

Lundi 11 janvier
Elle culmine à 120 m d’altitude, l’aire à battre le grain du Castellare, à Pietracorbara. Sa situation est idéale : elle veille sur le canal de Corse et surplombe la plage de sable fin de la commune. Seulement, voilà : il s’agit d’une aghja (aire) neuve, entièrement construite et inaugurée en… 2015 par l’association Petra Viva dans un but pédagogique. Elle s’inscrit dans un parcours botanique sur la colline du Castellare qui permet de découvrir, in situ, 22 plantes méditerranéennes.

Mardi 12 janvier
Morsiglia d’abord, Centuri ensuite, à l’heure du soleil couchant. Ce que ces deux communes possèdent de plaine et de plages, d’anses et de criques, s’étend, ici dans une lumière finissante. Le maquis frémit et rougeoie au dernier éclat du jour. La nuit s’approche.

Mercredi 13 janvier
Du maquis. La mer. Un nuage. Un bateau. Simple paysage des collines de Meria, mais pleinement capcorsin.

Jeudi 14 janvier
Le ciel est noir. Le maquis vire au bistre. Le temps est à la tempête. Mais le phare-clocher de Canari, fièrement dressé entre la terre et le ciel, illumine le paysage.

Vendredi 15 janvier
Le brouillard enveloppe les arbres devenus fantômes du sentier du patrimoine de Luri et cette arche minérale composée de trois rochers, comme un lieu de sacrifice païen. Entre le hameau de Fieno et la plate-forme de l’ancien couvent, le parcours est en sous-bois, frais en été, froid en hiver.

Une lente montée, bordée de murs et de chênes, conduit, si l’on veut un supplément d’émotion, à la tour dite de Sénèque.

Samedi 16 janvier
Tempête aux îles Finocchiarola à Rogliano. La mer se dresse par jets verticaux. La fureur des éléments est implacable. Mais la tour en a vu d’autres et son stoïcisme est rassurant.

Dimanche 17 janvier
Brume autour de l’église Sainte-Marie de Brando. Ancienne église piévane mentionnée dès 1281 (Petre Scritte), Santa Maria Assunta est l’archétype de la sédimentation des époques, du Moyen-Age à nos jours. Construite, remaniée, restaurée, transformée, elle demeure. Bien encadrée par son cèdre et son cyprès, elle paraît esseulée en ce jour blanchi par la brume. Le soleil reviendra et le gazon verdira à son heure.

Lundi 18 janvier
Le Cap est terre de vents. Et le vent est très photogénique. Ainsi ce libecciu sur la côte occidentale. Un soleil finissant irradie la mer vaporisée qui s’élève en brume et ourle les collines. Il y a du vent dans le Cap (plus de 60 km/h) en moyenne, 184 jours par an. Et il souffle à plus de 100 km/h 45 jours par an. En langue corse, on dénombre 30 noms différents pour nommer les vents. Les principaux sont U libecciu, le vent lion, u Marinu, u Sciloccu, u Gregale. Du vent plus qu’il n’en faut pour faire tourner les girouettes, les moulins et les éoliennes.

Mardi 19 janvier
A Tomino, l’horizon est au nord. Les balcons ouvrent sur la plaine et les îles. Les Finocchiarola, d’abord. Capraia ensuite. Puis Elbe, Pianosa et Montecristo par temps clair. Sur le promontoire, autour de l’église Saint-Nicolas, on respire l’appel du grand large.

Mercredi 20 janvier
A fleur de vague, l’hiver, allongé sur le sable de Barcaggio de Morsiglia.
Un lieu secret connu de tous. Une maison de pécheurs, sa terrasse solaire et sa soudaine apparition dans le film Comme des frères (2012) d’Hugo Gélin. Mais, ici, sur la plage, seulement la douce âpreté d’une tempête et ses 17 nuances de gris.

Jeudi 21 janvier
Temps d’hiver et soleil d’oranges, paysages familiers du Cap Corse. Ici le rocher enneigé du Pruberzulu (1236 m) qui domine les vallées de Sisco et Pietracorbara.

Vendredi 22 janvier
A Rogliano, le Castellaccio San Colombano, château médiéval ruiné, construit à la fin du XIIe siècle, fait corps avec la butte qui domine le hameau de Vignale. Ici, le schiste est mur et rocher, au naturel et travaillé par l’homme. De ses 360 m de haut, le castel ruiné surplombe la vallée de Rogliano qui glisse en pente douce jusqu’aux îlots ultramarins.

Samedi 23 janvier
Au moulin Mattei, qui a perdu ses ailes, cachons ce cylindre aux armoiries commerciales coiffé d’un ridicule chapeau de tuiles rouges. Ne retenons que les rotondités du lieu : parterre dessiné en cercle et sphères blanches comme le ballon globe de Charlie Chaplin avec lequel il joue pour se moquer d’Hitler dans son film Le Dictateur.
Ici, la vision est plus sereine et douce : aux confins, le Monte Minervio joue les avant-gardes montagneuses face à l’horizon défait.

Dimanche 24 janvier
Coup de projecteur sur la chapelle San Quilico (Saint Cyr en français) d’Olcani. L’art Roman connaît son apogée au XIIe siècle. Et le Cap, comme le reste de la Corse, possède un patrimoine roman remarquable mais très dégradé. San Quilico à Olcani, mérite qu’on s’y attarde pour ses arcatures lombardes bicolores (Petre Scritte) et sa position de vigie à mi-vallée. De la seule commune du Cap –Olcani- qui n’a pas d’accès à la mer, on aime son entêtement à faire cavalier seul et à défendre son originalité. Allez à Olcani, terre montagnarde blottie contre la Cima di e Follicie, le véritable sommet du Cap Corse (1322 m).

Lundi 25 janvier
Le bout du Cap vu de la mer. Une terre qui s’étire et s’éteint à l’horizon. Les îles, comme des points de suspension. Et la mer, immense, divisée en fleuves. Fleuves de risées et fleuves d’huile qui poussent vers le large.

Mardi 26 janvier
Au hameau de Pecorile, à Morsiglia, il y a la chapelle Saint-Jean-Baptiste et une tour carrée qui lui tient compagnie. La chapelle, de facture baroque, construite au XVIIe siècle, est parfaitement orientée ouest-est. Le soir, en hiver, au soleil déclinant, sa façade s’illumine puis s’enflamme.

Mercredi 27 janvier
Voyez ces escaliers de géants à l’ancienne usine d’amiante de Canari (1927-1965). Les fronts de taille de chrysotile sont des gradins avec vue imprenable sur la mer. Le lieu est un monumental monument. Il célèbre l’immense énergie des hommes. Mais on s’y incline aussi devant la douleur des familles que l’asbestose a décimées.

Jeudi 28 janvier
La mer, noire. Noire comme de l’encre noire. La terre, noire comme une terre brûlée. Le Cap en noir et blanc de l’hiver, avec une fenêtre pansue de ciel bleu. Comme une invitation à des jours meilleurs.

Vendredi 29 janvier
A Metimo, hameau de Pino, un soleil déclinant éclaire le meilleur profil d’Antoine le bienfaiteur. Antoine Piccioni (1808 – 1880) est médecin et maire bonapartiste de Bastia jusqu’à l’effondrement du Second empire.
Curieux de tout, entreprenant et bâtisseur, sa statue de marbre blanc ouvre le chemin vers la chapelle Saint-Roch, hier chapelle privée (famille Piccioni) ; aujourd’hui, devenue communale.

Samedi 30 janvier
De Magna suprana à Rogliano, le regard porte loin. Le clocher et la façade de l’église Sainte-Claire semblent surgir du maquis tandis que Macinaggio n’est plus qu’un liseré de maisons. Mais il y a la mer, l’horizon, le ciel et Capraia qui remplissent l’espace avec, moment exceptionnel, un majestueux bateau à voiles qui traverse la scène immuable des jours. (Photo Pascal Dolémieux).

Dimanche 31 janvier
Sur le sentier du Chemin de Lumière, au-dessus des vallées du Levant, ici celles de Cagnano et Luri. Et le Monte Rosso (843 m) qui s’élève et se découpe sur les dernières collines.

Lundi 1er février
En ce premier jour du mois de février, prenons de la hauteur. Et observons le Cap vu d’avion. Écume des vagues et nuages sur les sommets : image familière de cette langue de terre qui pousse sa masse vers le nord.

Mardi 2 février
Le temps du mimosa est revenu. Ici près du clocher de l’église Saint-Clément à Pietracorbara. Grappes de coton jaune, duvet de fleurs en forme de micro soleils. Et le clocher semble surgir des feuillages décharnés sur fond de cima Piombagliesa (1119 m).

Sombre lumière et ciel d’orage sur le versant ouest du Cap à l’heure du couchant. La houle a tressé sa frise d’écume blanche qui ourle les rochers amers. C’est l’hiver qui continue.

Jeudi 4 février
Caraco, hameau abandonné de Meria, est posé en gradins sur un promontoire, face au canal de Corse. S’aventurer entre les ruines est aux risques et périls du randonneur. S’abstenir de le faire est fortement recommandé. Et profiter des échappées belles vers l’horizon et les nuages, entre deux bâtisses effondrées, s’apparente à de la témérité.

Vendredi 5 février
A Albo, marine d’Ogliastro, la tour génoise a été entièrement restaurée entre 2019 et 2021. Tour de défense, construite entre 1560 et 1562, elle protégeait les populations d’Ogliastro des incursions sarrasines.

Samedi 6 février
A la pointe du Cap surgit le sémaphore couronnant Capo grosso (106 m). Veilleur, guetteur, il se frotte aux tempêtes et mesure les vents,tous les vents qui passent par là, et ils sont nombreux. Le libeccio, le plus dur de tous, le secoue parfois à plus de 150 km/h. Il n’a plus de secret pour lui et pour les militaires qui scrutent, en ce point septentrional, le va et vient des navires dans le canal de Corse.

Dimanche 7 février
Sur les hauteurs de Pino, monter par le chemin des Fonte le soir venu et par temps calme offre une vue suave sur les collines mauves, jusqu’à la mer et l’îlot de Capense qui ressemble au boa du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.

Lundi 8 février
Capraia, l’île en miroir du Cap, éclairée par un soleil de fin d’après midi. Et la tour de Losse, guetteur tutélaire, s’habille, une fois n’est pas coutume, de son ombre chinoise pour attendre la nuit.

Mardi 9 février
Giottani, marine de Barrettali au port lilliputien, est tourmentée par l’hiver, ses vagues et ses algues. Les maisons minuscules sont blotties contre la montagne. Le temps de l’empreinte solaire n’est pas encore venu.

Mercredi 10 février
A Morsiglia, c’est le vent qui sculpte la pelisse végétale des collines. Et le soleil du soir en gonfle les volumes comme un coiffeur zélé. Le crépage de maquis est un art difficile dont s’acquitte à merveille un libeccio furieux. Au loin, les maisons, les tours et les palazzi se réchauffent aux derniers rayons de l’astre.

Jeudi 11 février
Albo, marine d’Ogliastro, vue du sentier de Scala Broccio qui part de Canari. Un lieu promontoire sur le Cap occidental et la naissance du golfe de Saint-Florent. Un lieu d’où se découvre le Cap monumental et ses à-pics vertigineux qui tombent dans la mer.

Vendredi 12 février
Les îles Finocchiarola, à la pointe du Cap Corse, montrent le nord. Elles sont trois, Terra, Mezzo et Finocchiarola, la plus grande, la plus haute (27 m au-dessus du niveau de la mer). C’est elle qui porte la tour ruinée comme un appendice vertical, une excroissance de pierres comme un énorme tronc minéral, lui-même foudroyé par les tempêtes et les vents. Le lieu est contrasté, en hiver, en été. C’est un Janus terrible ou tranquille, c’est selon.

Samedi 13 février
Sur la route de Pastina, entre Meria et Morsiglia il y a, au bout d’une montée, à un tournant, un point de basculement. C’est une frontière invisible entre l’est et l’ouest, le levant et le couchant. Là, sans doute, le Cap offre ce qu’il a de plus beau : une monumentalité solaire. Tous les soirs, à l’heure convenue (ici à 17h18), l’astre s’abandonne à l’horizon qui l’aspire.

Dimanche 14 février
Elle est perdue dans le maquis, la chapelle dédiée à Saint Augustin –San Austinu en langue corse. Elle se trouve sur le territoire de la commune de Canari, non loin du pont qui relie Canari à Barrettali, restauré en 2015. Difficile de dater la construction de cet ancien lieu de culte : probablement entre le XIIe et le XVe siècle. De la bâtisse, ne demeure, debout, qu’une admirable voûte en cul-de-four. Le reste n’est que ruines que le maquis grignote.

Lundi 15 février
La croupe du Cap comme le dos d’un éléphant, avec ses bosses et ses creux, ses sillons creusés, son pelage à vif. Territoire meurtri, sommets ravagés par les incendies à répétition et le « brûlage dirigé ». Pauvre Cap Corse ! Par contraste, les vallées de Sisco et Pietracorbara ressemblent à des havres de verdure. De loin.

Mardi 16 février
La mer se déchaîne sur les rochers de Salaghja, De ce lieu-dit de Barrettali, la vue est imprenable sur le Monte Minervio, à fleur de vagues, chaos des roches. Spectacle puissant. Peureux s’abstenir.

Mercredi 17 février
Sisco et son territoire regardés du sud vers le nord. Du hameau de Busseto émerge seulement le clocher de Saint-Antoine et les toits de l’ancien couvent. Les nouvelles villas grimpent sur le versant nord. Et l’on devine plus qu’on ne le voit, le cœur de la vallée.

Jeudi 18 février
Petits et grands agaves ont tous le même sort : ils fleurissent une fois puis meurent. Ici, sur la côte d’Albo, comblée par les stériles d’amiante de la mine de Canari, toute proche, la plage semble exister de toute éternité. Apparence trompeuse. Si elle pouvait parler, la tour de guet du littoral, construite en 1560 et rhabillée de neuf en 2020, raconterait l’histoire des siècles.

Vendredi 19 février
Du maquis d’Ersa, à Botticella, émerge les écailles d’un tombeau. Plus loin, une autre coupole puis, plus loin encore, la pointe dressée du monument aux morts. En ce balcon septentrional du Cap, point de mer à l’horizon, point de Giraglia. Mais à quelques mètres seulement, le paysage s’ouvre sur le Mare Nostrum.

Samedi 20 février
A un mois, jour pour jour, du printemps, vous reprendrez bien une bonne tranche d’hiver ? Que diriez-vous d’une tartine de poudreuse délicatement prélevée sur le sommet du Cap ? Vous y êtes : avec ses 1322 m d’altitude A cima di E Follicce dépasse le Monte Stello de quinze mètres. Vers ce sommet convergent les territoires de trois communes : Olcani, Ogliastro et Sisco. Photo Ève Schneider.

Dimanche 21 février
Contre-plongée pour admirer Saint-Cyprien (San Ciprianu en langue corse), l’église paroissiale de Morsiglia. Colonnes, pilastres et chapiteaux rythment la façade de l’un des plus beaux édifices baroques du Cap. Orientée est-ouest, l’église s’illumine et rougeoie au soleil couchant.

Lundi 22 février
Le Valle di Luri est cette portion du Chemin de Lumière qui va du col de Sellole (970 m) à l’Aghja parata (700 m), de la commune de Luri à celle de Barrettali en passant par la montagne. Amplitude des terres et du maquis, des vallées en alvéoles qui s’ouvrent sur la mer. Et les sculptures éphémères guident le randonneur.

Mardi 23 février
L’heure est orangée sur le sentier des grotte a e piane, à Centuri. Le soleil livre ses derniers feux et les ombres s’allongent. Le relief des murs et des rochers mêlés gagne une épaisseur inouïe, comme si un crayon à farder accentuait les traits de chaque anfractuosité. Avant que les lumières ne s’éteignent.

Mercredi 24 février
A Cagnano, au-dessus du couvent d’Oveglia, il existe de mystérieuses cavités creusées dans la roche. On les appelle les « baignoires des moines » mais cette appellation est absurde car les moines n’ont jamais eu de baignoires en plein air sur un rocher sans eau : ces cavités sont plus sûrement des sépultures, comme à l’abbaye de Montmajour, près d’Arles en Provence.

Jeudi 25 février
Tempête dans la baie d’Aliso à Morsigla, l’une des plages les plus dangereuses du Cap, bordée par un ras maquis et des rochers coupants. Mais, par temps calme, la plage est un havre de paix dans son écrin végétal. Les couchers de soleil y sont fastueux.

Vendredi 26 février
Voici les escaliers qui conduisent, à Nonza, à l’oratoire dédié à Sainte Julie. « A la gloire de sainte Julie, vierge et martyre, patronne de Nonza et de la Corse » est-il écrit sur une plaque de marbre scellée sur le fronton du sanctuaire. Ces marches en pierres dressées conduisent aussi à la plage immense au pied du rocher. (Photo Michel Roux).

Samedi 27 février
L’île de la Giraglia vue de la mer. Le rocher à la croupe généreuse semble flotter sur l’horizon. La tour carrée et le phare ressemblent à des vigies immobiles. Le phare émet et la tour se tait. L’île est déserte, ou presque.
Pour les va-et-vient incessants des navires, des bateaux et des embarcations qui passent par le canal de Corse, le contrôle est ailleurs. Il est au sémaphore du Capo grosso, à quelques encablures de l’île, plus à l’ouest.

Dimanche 28 février
A Rogliano, splendeur et vicissitude de l’église Saint-Côme et Saint Damien. Du lieu saint, demeure, à l’extérieur, un clocher mur. Ils ne sont plus que trois dans le Cap, encore debout : Rogliano, Olcani et Pietracorbara. A l’intérieur de la bâtisse c’est tristesse et désolation. La photo parle d’elle-même.

Lundi 1er mars
Du hameau de Lavonese de Pino, on a une vue plongeante sur le clocher de l’église Sainte Marie et, plus au fond, sur la tour ruinée de Scalo. Et la mer se dresse ici comme un rideau de scène, sans horizon et sans limites.

Mardi 2 mars
C’est l’une des plus belle aires à battre le grain (aghja en langue corse) de tout le Cap. Elle se trouve sur le chemin qui conduit du hameau de Minervio au hameau ruiné de Ficajola. Son socle en dalles de schiste n’a pas bougé et la vue depuis l’aire est un résumé du Cap Corse.

Mercredi 3 mars
Même en cette fin d’hiver, quand le soleil de fin d’après-midi percute le schiste des rochers du chemin de scala broccio à Canari, il les réchauffe et il les consume d’un éclair orange. C’est la magie du versant ouest du Cap : le soleil fait flamboyer les roches et le maquis avant de disparaître, happé par l’horizon.

Jeudi 4 mars
Voilà la tour de Negro et sa polychromie joyeuse, bâtie de moellons de schiste vert et de galets roulés du fleuve, blancs et beiges. Un fleuve aux crues dantesques, comme celle de novembre 2016 qui a emporté le pont génois du XVe siècle. La tour, construite en 1560, tient bon face aux tempêtes marines. Au loin, les anciennes terres à céréales des Agriates et le golfe de Saint-Florent se détachent sur l’horizon.

Vendredi 5 mars
Du maquis et de la mer et rien d’autre : sur le sentier entre Capo grosso à Ersa et le port de Centuri, la nature sauvage est ici encore chez elle. Le libeccio, ce vent sculpteur, a façonné les buissons de myrte et d’épineux en longs pains sombres qui partent à l’assaut de la colline. En face, le soleil réchauffe la toison végétale.

Samedi 6 mars
Le soir s’étire, couleur d’orange, jusqu’aux confins de la Balagne. La pointe Minervio, semi pyramide de schiste, fait du zèle aux avant-postes. Image du Cap soleil couchant.

Dimanche 7 mars
La chapelle Saint-Jean-Baptiste, au hameau de Petricaggio de Barrettali, est une halte obligée pour les randonneurs qui viennent de parcourir les deuze kilomètres de montées et de descentes du Chemin de Lumière. Les voilà arrivés au versant du couchant. Ils vont guetter le soleil déclinant (Photo Stéphane Guiraud).

Lundi 8 mars
Voilà un hameau bien caché en haut de la vallée de Pietracorbara : Cortina, que les collines des Petre et de la Piola escamotent aux regards de la plaine. C’est un hameau qui se mérite : cent mètres séparent les maisons situées au point le plus haut de celles qui sont au point le plus bas de cette principauté des escaliers en pierres. Les toits de lauzes, en accents circonflexes, s’étirent du nord au sud.

Mardi 9 mars
Soleil rasant, lumière des derniers rayons sur Ficaggiola, hameau abandonné de Barrettali. Les murs, de belle facture, sont encore debout. Les pierres sont finement liées au mortier de terre. Une maison de notable, datant du XVe siècle, offre son arc en plein cintre. Du sol se dressent encore les férules prodigieuses du précédent été. Bientôt les nouvelles sortiront de terre comme à chaque printemps.

Mercredi 10 mars
La tour de Nonza, comme un phare dans l’azur, sur le chemin en promontoire tracé dans le maquis avec vue imprenable sur la plage de sable noir, tout en bas. Et, après Nonza, le golfe de Saint-Florent, la Balagne, puis la Corse qui s’estompent dans un dégradé de bleus étouffés par la brume.

Jeudi 11 mars
C’est l’heure où il faut choisir son versant : sur le Chemin de Lumière en son point le plus haut, au col de Sellole (970 m), le soleil est déjà à l’ouest, au ponant. Mais une belle lumière réchauffe encore le versant du Levant, avec ses vallées en pentes douces. Que faire ? Rejoindre l’est et ce sera bientôt la nuit ou glisser vers l’ouest et suivre ainsi le soleil jusqu’à son coucher dans la mer ? Seule certitude : quel que soit le versant, le chemin est encore long.

Vendredi 12 mars
Déjà des toisons de printemps sur les basses collines d’Aliso, la plage tumultueuse de Morsiglia. L’écume grignote les rochers stoïques. Les ombres s’allongent. Elles entourent les îlots de lumière qui vont fondre l’un après l’autre, batailles perdues d’avance mais toujours recommencées.

Samedi 13 mars
Seulement un zig zag d’asphalte, un serpent de goudron entre Cagnano et Luri, par la route du haut, au col de la Serra (305 m). C’est un lieu étonnant : on y découvre l’unité des vallées et leurs marines. Mais il y a aussi un sanglier rigolard. Il est peint, à la manière du street art, sur l’édicule des relais hertziens plantés au col comme des vigies immobiles. L’ensemble vaut le détour.

Dimanche 14 mars
Au col entre Luri et Pino (381 m), la route bascule d’un versant à l’autre du Cap. Après l’étroit couloir taillé dans la roche, on débouche sur la chapelle Sainte-Lucie. Est-ce un hasard si la sainte de la lumière est ici invoquée ? Le matin, l’ombre portée d’un pin parasol ressemble à l’aiguille multiple d’un cadran solaire qui cherche ses chiffres sur la façade brillante de l’édifice. Mais l’heure est fugace, le moment mince, le temps compté. Tout bouge très vite en ce lieu de franchissement, au centre de l’isthme, d’une rive à l’autre.

Lundi 15 mars
Le regard porte loin depuis les hauteurs de Canari : le golfe de Saint-Florent ferme l’horizon par la ligne bleue des sommets balanins. Un peu en-dessous des rochers, les derniers gradins de l’usine d’amiante s’invitent encore dans le paysage. La cicatrice est encore loin d’être refermée.

Mardi 16 mars
Vue panoramique à 360° depuis la tour dite de Sénèque (564 m), au-dessus des vallées de Luri et Pino. Succession des collines vers le nord qui descendent jusqu’à la mer : paysage familier du Cap Corse et point de vigie sur la Méditerranée.

Mercredi 17 mars
C’est un chemin à prendre en fin d’après-midi. Il conduit du hameau de Cannelle à Centuri, jusqu’à Grotte a e piane, lieu de bergeries troglodytiques. Ce parapet est aussi un balcon sur la mer. Tout en bas l’îlot de Capense protège l’entrée du port de Centuri.

Jeudi 18 mars
Le mont Minerviu, couleurs du soir : la brume de chaleur l’enveloppe d’un fin manteau doré. Massif et majestueux, ce mont conique aux allures de douce pyramide demeure un lieu secret. Une croix de fortune est plantée en son sommet (303 m) d’où la vue est sans pareille.

Vendredi 19 mars
Voilà Nonza vue de l’intérieur des terres, avec l’horizon très haut, bien au-dessus de la tour et le village à un jet de pierre. Le toit de Sainte-Julie, en pointe d’obus, se détache de la masse des toits de lauzes.

Samedi 20 mars
La chapelle Saint-Pancrace, au hameau de Lapedina de Pietracorbara, marque le véritable début du Chemin de Lumière. Ici se regroupent les randonneurs qui vont entamer la montée vers le col de Sellole (970 m), un dénivelé de près de 600 m. Début du Chemin, fin, aujourd’hui, du tour du Cap en 90 photos, de l’hiver au printemps entamé le 21 décembre dernier. Maintenant, venez rejoindre notre association en allant sur notre site internet. Et, quoi qu’il en soit, soyez du Chemin.