Chapelles de Barrettali : “un capital architectural et d’art sacré très remarquable”

Vallée en amphithéâtre, la commune de Barrettali est lovée au centre d’un cirque de montagnes qui dégringolent de 1100 m jusqu’à la mer en moins de sept kilomètres à vol d’oiseau. Dans ses dix hameaux encore habités aujourd’hui, six chapelles construites entre le XVIème et le XIXème siècle s’étagent du niveau de la mer à 370 m d’altitude.

La seconde moitié du XIXème siècle marque la pointe haute du développement démographique (967 habitants en 1901) et économique de la commune. Elle est aussi le moment où, en raison d’un nombre important de fidèles et de prêtres, la paroisse de Barrettali donne naissance à deux nouvelles paroisses, celle de Cunchigliu (1846) et celle de Minerviu (1854).

Aujourd’hui les différentes chapelles de la commune, au riche passé, ont été entièrement restaurées. Elles constituent un capital architectural et d’art sacré très remarquable. Un travail d’inventaire particulièrement soigné a été réalisé, en 2003, par l’association Petre Scritte. Les indications mentionnées ici proviennent largement de cet inventaire et des précieux renseignements collectés par Maurice Mattei, ancien adjoint au Maire.

Les chapelles ne connaissent plus qu’une utilisation sporadique. Cinq d’entre elles sont désormais inscrites au parcours du « Chemin de Lumière ». C’est l’occasion de les découvrir ou les redécouvrir, une façon aussi de leur donner un supplément de vie.

Saint-Jean-Baptiste : la chapelle de deux hameaux

La chapelle Saint-Jean-Baptiste – San Ghjuvanni Battista – est la première des chapelles du Chemin en redescendant sur Barrettali. Par sa situation, elle offre un avant-goût magistral de ce qui attend le visiteur : un mariage subtil entre la ronde harmonie des formes et l’âpreté des lieux. Les lignes douces du Baroque répondent à l’à-pic vertigineux du site. Tout, ici, est à la fois sombre et solaire : le toit en arrondi de l’édifice, monté en lauzes extraites de la carrière toute proche de Teghja fosca (l’ardoise foncée), brille au-dessus de l’écrin ténébreux du maquis. Au fond, la mer, « cuirassée d’argent », découpe la côte en zigzags.

st jean baptiste

Saint-Jean-Baptiste est la chapelle des hameaux de U Petricaghju et Li Olmi. Elle a été construite vers 1870. En 1879 les habitants commandent au peintre corse Paul Mathieu Novellini, un tableau représentant Saint Jean-Baptiste prêchant. Mais, pour obtenir un bon prix, ils groupent leur achat avec celui des propriétaires de la chapelle privée Saint-Vincent-de-Paul à Li Olmi qui, eux aussi, souhaitent faire réaliser une oeuvre. Le peintre s’acquitte de cette double commande et consent une remise aux paroissiens.

st jean baptiste

Saint-Jean-Baptiste a gardé intact son style : façade en courbes, encadrée de « pots à feu » typiques du baroque ; joli parvis d’herbe verte régulièrement coupée; proportions équilibrées des masses. L’édifice ressemble à celui de la confrérie Sainte-Croix près de l’église Saint-Pantaléon.

st jean baptiste

Au titre des curiosités, on retiendra une belle croix de bois incrustée de nacre et montée sur socle. Elle est appelée « croix de Jérusalem », car elle a été ramenée de Terre Sainte probablement au cours de la seconde moitié du XIXème siècle.

Saint-Guillaume : grande, riche et ancienne

La date de construction de Saint-Guillaume – San Guglielmo – n’est pas connue. On sait seulement qu’en 1740 l’évêque de Nebbiu confie à l’abbé Sauveur Giudicelli la mission de restaurer l’édifice qui menace ruine. Orientée est-ouest, la chapelle est entourée de lieux-dits qui attestent de l’importance cultuelle du site. Une chapelle préromane – San Martinu – aujourd’hui disparue, s’élevait en dessous du sanctuaire actuel. Saint-Guillaume est aussi la chapelle de deux hameaux : E Mascaracce et U Poghju.

st guillaume

C’est la plus grande des chapelles de la commune. Elle a d’ailleurs servi de « vice-paroisse » au moment de la construction de Saint-Pantaléon (1775-1822). L’édifice a été remanié à plusieurs reprises. L’actuel maître-autel en stuc date, par exemple, de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Il possède des éléments ornementaux très particuliers : des pieds d’animaux le soutiennent ; dans le médaillon central on distingue deux ailes asymétriques étonnantes ; les « gradins » de l’autel s’élèvent avec audace et mouvement. La façade de style néo-classique est datable de la seconde moitié du XIXème siècle.

st guillaume

Saint-Guillaume possède aussi un retable du début du XVIème. Il a été restauré et se trouve actuellement dans l’église paroissiale de Saint-Pantaléon.

On aimera aussi deux anges en bois peint, dits « cérophéraires » qui semblent dater de la fin du XVIIème siècle. Ils devaient tenir une corne d’abondance formant un pique cierges aujourd’hui disparu.

La statue de Saint-Guillaume (ermite ) est dressée dans une très belle chasse de bois réalisé par Antoine Mattei, menuisier qui a exercé son talent au XIXème siècle.

st guillaume

Les yeux du saint sont en verre et sa robe, noir et or, est traitée au pinceau avec un soin extrême.

Enfin, la chapelle Saint-Guillaume possède les ossements du dernier frère, Servite de Marie du couvent de l’Annonciade de Cunchigliu (1820). Il est enterré près du chœur, dans la nef.

st guillaume

St-Mathieu : chapelle de famille

Saint-Mathieu – San Matteu – est la chapelle de la famille Mattei et de ses descendants installés au hameau de Torra. Elle a été construite en 1854 sur deux jardins potagers 300 ans après l’arrivée du premier Mattei à Torra. En 1898 la chapelle est restaurée : l’abside devient semi-circulaire.

st mathieu

Un mécène, Charles Mattei, professeur de médecine à Marseille, a offert (vers 1940) un vitrail représentant saint Charles Borromée agenouillé, corde au cou, les mains posées sur la poitrine.

st mathieu

En 2000, un artiste, Jean-Claude Sarpi, enfant du village, a réalisé un chemin de croix de facture moderne qui trouve sa place dans l’ensemble classique de l’intérieur.

st mathieu

Aujourd’hui encore, les différentes branches de la famille Mattei entretiennent la chapelle avec beaucoup de dévouement. Une association, « A capella di San Matteo » a été créée en décembre 2007 pour entretenir et restaurer le sanctuaire. Le Saint Sacrement y est régulièrement exposé. Sa présence donne lieu à des rassemblements où se rendent les habitants du hameau pour prier.

Santa Maria Assunta : la chapelle du couvent

La chapelle conventuelle de l’Annonciade – l’Annunziata – fait partie d’un ensemble comprenant un lieu de culte (la chapelle), un clocher-tour et un couvent. Ce dernier est aujourd’hui en ruine. En 1848, la paroisse de Barrettali est dédoublée : Cunchigliu est constitué en paroisse autonome, et, en 1854, on fait de même avec le hameau de Minerviu, situé entre Pino et Barrettali.

L’ensemble conventuel de Cunchigliu est mentionné en 1573. Il est tenu par l’ordre des Servites de Marie. Le principe de l’ordre des Servites est le suivant : il accepte de s’installer dans une pieve (canton) si un lieu de culte y est construit par les habitants de la communauté d’accueil. C’est le cas à Cunchigliu. Quand les moines servites s’y installent, ils sont au nombre de huit.

sainte marie de l'assomption

Le chœur de l’église est élevé dans le premier quart du XVIIème siècle et le couvent est ouvert en 1790. Au début du XVIIIème siècle, l’église connaît de nouvelles transformations. Une voûte est construite à partir de 1873 par l’architecte Pietro Giuseppe Simonpietri, originaire de Cagnano et marié à Barrettali. Il double le volume de l’édifice en rehaussant la nef et en l’allongeant. De la chapelle primitive, il ne reste plus que le chœur et une chapelle latérale dédiée à Notre-Dame-des-Sept-douleurs. On y trouve une très belle Mater Dolorosa datant du XIXème siècle.

santa maria assunta

Plusieurs autres œuvres sont intéressantes, parmi lesquelles trois tableaux de Paul Mathieu Novellini (1831-1918). Le peintre corse a peint notamment, une Vierge assise dans les nuées, l’enfant Jésus debout sur son genou gauche. Il remet le Rosaire à Saint Dominique, agenouillé (1913).

santa maria assunta

Un autre tableau mérite une attention particulière : il représente les âmes du Purgatoire que saint Antoine Abbé s’efforce de sauver. On admirera la simplicité et la vérité des visages et le côté obsédant des flammes. Cette œuvre n’est pas signée. Elle est datée de la fin du XVIIème siècle.

La chapelle conventuelle conserve, aujourd’hui encore, un charme indéniable. Un olivier pousse en face de la porte d’entrée. L’esplanade engazonnée du sanctuaire est vaste et belle. Le lieu justifie qu’on y consacre un long moment de visite.

santa maria assunta

St-Roch : la chapelle aux galets

La chapelle Saint-Roch – San Rocco – à Giottani, paraît posée sur le sable, non loin du rivage, à un jet de pierre de la mer. Elle date, semble-t-il, du XVIème siècle. Saint Roch (parfois associé à saint Sébastien) protège des maladies contagieuses, des fièvres (notamment celles introduites par les barbaresques, quand ils débarquent en Corse).

saint roch

A sa construction, Saint-Roch est une chapelle en deux morceaux : la chapelle « mère », en retrait de la plage et une partie avancée, traitée sous forme de porche et simplement couverte d’un auvent. En 1890, on habille ce porche et on le rattache à la partie fermée. Le tout est surmonté d’un élégant clocheton. Le bâtiment d’un seul tenant a été joliment restauré en 2000.
A l’intérieur, derrière l’autel, un tableau représente saint Roch et saint Erasme (patron des marins) qui avait, près de Canari, sa chapelle aujourd’hui en ruines.

saint roch

Sur l’autel blanc, trône une croix en fer forgé plantée dans un galet roulé. Le parvis est aussi décoré de petits galets de la plage toute proche.

saint roch

Comme à Pietracorbara qui a aussi sa chapelle dédiée à saint Roch (curieusement on parle dans ce village, de Santi Roccu et non de San Roccu comme à Barrettali) une procession est organisée tous les 16 août, jour où l’on fête le saint.

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