Huit chapelles s’étagent de la Marine à Lapedina, dernier hameau niché à 380 m d’altitude, d’où part le Chemin de Lumière. Les cinq chapelles retenues pour la visite sont autant de livres ouverts sur l’histoire de la communauté corbaraise et, pour ceux qui le souhaitent, de haltes spirituelles avant l’ascension vers la « haute route » « l’alta strada » du Cap Corse. Ces lieux de culte, restaurés pour certains ou en projet de restauration, sont peu utilisés (on célèbre la messe une fois par an dans deux des cinq chapelles) et il est difficile de les visiter en dehors du parcours proposé par l’association « Chemin de Lumière ». Profitez donc de la visite guidée pour découvrir ces lieux modestes et beaux, fruits de la foi et du travail des hommes (et des femmes), ouvriers, paysans, marchands ou propriétaires terriens qui ont élevé puis entretenu, ces chapelles.
Saint-Léonard : boussole et symboles
La chapelle dédiée à saint Léonard – San Leonardu – (Léonard de Port Maurice, franciscain originaire des environs de Gênes, débarque à Bastia en 1744) a été construite, vraisemblablement au XIXème siècle et restaurée en 2008. Elle est posée au bord de la route départementale 232 à mi-chemin entre la plage et les hameaux. La bâtisse est petite et harmonieuse dans ses proportions. Un auvent en ciment, patiné par le temps, allonge le bâtiment et lui donne un aspect accueillant avec ses bancs de pierre placés des deux côtés de la porte d’entrée.
Le parvis possède, en son centre, une mosaïque en galets roulés. Ils sont, malheureusement trop noyés dans le ciment. Ils indiquent, notamment les quatre points cardinaux. La chapelle a une particularité : elle est orientée nord-sud (le célébrant regarde le nord). La pierre qui marque l’est -là le soleil se lève, et, pour les chrétiens, la Lumière du Christ et la direction de Jérusalem- a été ramenée de Terre Sainte, de Nazareth précisément. Dans l’axe de la croix centrale, au nord et au sud, deux petits galets ronds proviennent du Lac de Tibériade. Au centre de la mosaïque, écrit en galets blancs « Je suis le chemin » tiré de l’Evangile selon saint Jean : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (chapitre 14, verset 6), saint Jean qui, dans son Evangile, utilise dix-neuf fois le mot « lumière ».
Le nez de marche du parvis est en schiste vert-bleu de Barrettali. La pierre provient de la carrière de Teghja Fosca (ardoise foncée), aujourd’hui désaffectée, de Petricaghju, le hameau d’arrivée du Chemin de Lumière. Cette anticipation du lieu d’arrivée est une invitation à « se mettre en route ».
L’intérieur de la chapelle est sommaire. Un simple autel, deux niches latérales, une statue de saint Léonard : tout est ici sobriété, voire austérité, franciscaines. A noter le beau dallage en pierres de Brando avec la croix centrale qui, elle aussi, indique les quatre points cardinaux.
La chapelle Saint-Léonard-de-Port Maurice marque, symboliquement, le lieu « d’envol » du « Chemin de Lumière ».
Sainte-Catherine : harmonie du hameau
Sainte Catherine d’Alexandrie – Santa Catalina – a un sanctuaire à l’Ornetu. C’est une chapelle très ancienne : un document trouvé sur place fixe la date de la consécration du lieu à 1755. Dans la niche, à gauche de l’autel, se trouve une statue de la sainte destinée à être portée en procession. Il y a aussi une roue, allusion aux supplices qu’elle a subis. Le tableau au-dessus de l’autel, représente le mariage mystique de la sainte. On y voit l’enfant Jésus lui passer un anneau au doigt. Sainte Catherine (morte en 310 et que l’on fête le 25 novembre) porte une palme, attribut du martyre.
Le pavement de la chapelle est original. Il est composé de dalles d’ardoise de Gênes taillées en octogones et de cabochons de marbre blanc.
Sainte-Catherine, ouverte durant l’été, offre aux visiteurs, un havre de fraîcheur et permet le recueillement. Depuis juillet 2001 les animatrices de la chapelle proposent aux visiteurs de consigner leurs impressions sur un livre d’or. Ils viennent d’autres villages de l’île, du continent français mais aussi d’Allemagne, d’Italie, de Belgique, des Pays Bas, de la République tchèque, d’Angleterre, du Mexique, de Porto Rico. « Je découvre votre « pays », la Corse, depuis quelques jours et je vais d’étonnement en étonnement. Ce sont des instants de pur bonheur –très forts- de liberté qui monte à la tête et puis… de calme. J’ai l’impression que tous ces chemins que j’ai pris ces derniers jours me menaient en fait jusqu’ici, dans votre chapelle… » écrit Catherine, une bretonne.
La chapelle se dresse près d’une tour génoise du XVème siècle, non loin d’une placette et d’une grande maison de maître avec un beau toit à trois pentes. Avec des fours à pain dont certains sont restaurés et une fontaine jaillissante située à l’entour du hameau, l’Ornetu possède tous les attributs d’un hameau capcorsin traditionnel.
Saint-Roch : beautés du baroque rural
La chapelle Saint-Roch – Santi Roccu – ne passe pas inaperçue : située à Petronacce elle est aussi la pointe haute de Selmacce, au bout d’une belle volée d’escaliers sous voûte. Saint Roch trône à la croisée des chemins. Patron des bergers et des troupeaux, le saint est très populaire dans le bassin méditerranéen. Il existe par exemple, pour le célébrer, de petits pains ronds appelés « pains de Saint-Roch » qui sont bénis tous les 16 août lors de la fête paroissiale. Mais avant d’être dédiée à saint Roch, la chapelle avait un autre saint protecteur : saint Sébastien connu pour protéger la population des mauvaises fièvres et, en particulier de la malaria.
Austère à l’extérieur, la chapelle est, à l’intérieur, d’une surprenante beauté. C’est un petit bijou de style « baroque rural » avec ses murs travaillés au pochoir, sa voûte en coffrage de bois, sa grille de chœur joliment ouvragée, son autel modeste mais bien proportionné et décoré avec application. Un émouvant tableau, de facture un peu brute, montre un saint Roch flanqué de son fidèle chien à la tête minuscule. A ses côtés, un saint Sébastien bardé de flèches et inspiré de Botticelli.
L’édifice a été agrandi en 1885 : la population des hameaux est, à cette date, en forte augmentation et des dispositions sont prises pour construire un nouveau chœur qui laisserait plus d’espace aux fidèles dans la nef. L’ensemble ne manque pas de grâce. Il est d’une beauté rafraîchissante, d’un luxe populaire.
Saint-Césaire : Romane et pievane
A Curtina, saint Césaire – San Cesario – évêque d’Arles qui vécut au VIème siècle, a donné son nom à la plus ancienne des chapelles encore debout dans la vallée (1030). L’abbé Pierre Lhostis, qui s’est penché sur les différents édifices religieux de la commune dans ses « Bribes d’histoire locale, 1100 à 1960 », présente cette chapelle comme le pendant de Saint-Michel de Sisco, posée sur un lieu escarpé afin de se défendre des incursions sarrazines et barbaresques qui ont dévasté le Cap jusque dans la première moitié du XVIIIème siècle. Saint-Césaire est orientée d’ouest en est. Geneviève Moracchini-Mazel, dans son ouvrage sur « Les églises romanes de Corse » insiste sur la gémellité historique et architecturale entre ces deux bâtiments. « On voit, écrit-elle, que toutes les pierres longues et minces sont taillées comme celles de San Michele de Sisco mais qu’elles ont été replacées tant bien que mal dans une réfection totale du mur maçonné en « terra rossa ». La tradition orale rapporte que les deux sanctuaires dépendaient du curé de Sisco jusqu’au XVIIIème siècle.
Une pierre gravée, encore visible à droite de l’entrée principale indique la date du 26 mars 1472. Il ne s’agit pas de la date de la construction, mais de celle d’une plaque mortuaire que les maçons ont découverte dans une partie effondrée du bâtiment et qu’ils ont repositionnée sur le mur extérieur. L’intérieur de l’édifice, souvent remanié –l’abside primitive a, par exemple, disparu- a été totalement réaménagé au milieu du XIXème siècle et restauré selon les canons du style baroque. Quelques tableaux et ex-voto sont accrochés aux murs. Le bénitier à double vasque est une curiosité.
L’abbé Lhostis donne une indication précieuse : à la fin du XVIIIème siècle, 400 cierges étaient distribués (et vendus) aux paroissiens le 1er dimanche de Carême.
De Saint-Césaire, on aimera aussi le toit moussu qui fait face à l’horizon et le clocheton bien conservé à la hauteur de la trouée bleue, entre ciel et mer. Pour avoir cette vision de la chapelle, il faut grimper sur le talus situé derrière le bâtiment.
Saint-Guillaume –San Guglielmu– : Vie, mort et résurrection d’une chapelle
San Guglielmu Saint-Guillaume :
vie, mort et résurrection d’une chapelle.
La chapelle Saint-Guillaume –San Guglielmu en langue corse- est l’une des huit chapelles de la commune de Pietracorbara. Avec Saint-Pancrace, au hameau de Lapedina suprana (Lapedina-le-haut), Saint-Guillaume est l’autre édifice religieux du hameau de Lapedina suttana (Lapedina-le-bas). Sa construction remonterait au XVIIIe siècle. Selon la tradition orale, Saint-Guillaume était la chapelle des habitants de Vecchjulacce et de Cateraghju, deux hameaux agricoles qui ont périclité durant la première moitié du XIXe siècle avant d’être abandonnés par la population qui s’est regroupée à Lapedina.
Au début du XXe siècle, la chapelle est encore le lieu d’une importante activité cultuelle comme l’atteste la photographie des confréries, probablement prise en 1901, le matin du Vendredi Saint. Ce lieu de rassemblement des fidèles est situé sur le trajet qui conduit, par le hameau de l’Ornetu, à l’église Saint-Clément, distante de 1,2 km avec un dénivelé négatif de 200 m. La procession du Vendredi Saint empruntait chaque année ce chemin –a strada di a Croce– qui serpente dans le maquis et s’enfonce ensuite sous les châtaigniers.
La chapelle connaît une désaffection à partir des années 1930. Le toit s’effondre au cours de cette décennie. Le lieu de culte est abandonné jusqu’en 1959, date à laquelle l’abbé L’Hostis, curé de Pietracorbara, après avoir fait dégager les restes du toit effondré, y célèbre, écrit-il, « la messe pour la dernière fois ».
En 2023, soit 64 ans plus tard, l’association Chapelles de Pietracorbara s’engage dans la sauvegarde du lieu. Elle fait enlever les neuf arbres qui ont poussé à l’intérieur, stabilise le sol en terre battue de l’édifice, reconstruit l’autel et dresse une croix monumentale, en bois flotté, sur le mur pignon. Une première messe a lieu le 22 juillet 2023. D’autres célébrations peuvent désormais se dérouler dans la chapelle à ciel ouvert.
Quatre murs dressés au bord de la route communale qui relie Lapedina suttana à Lapedina suprana. Quatre murs à ciel ouvert, sans toit et sans porte : en 2022, la chapelle abrite encore neuf arbres, principalement des chênes. Ils ont poussé là dans l’indifférence générale. Le plus volumineux d’entre eux a vingt-huit ans. Les autres sont plus récents. Ils occupent tout l’espace. Pour avancer, il faut se frayer un passage entre les branches. On atteint un parallélépipède massif surmonté de pierres et de terre : c’est l’autel, ou ce qu’il en reste. Une niche carrée, maçonnée dans le mur nord, confirme que le lieu a une vocation cultuelle.
La première action menée est la suppression des arbres qui ont poussé dans l’enceinte. C’est chose faite en décembre 2022. La seconde intervention concerne la reconstruction de l’autel. Il est refait en juillet 2023, en partie avec des lauzes de réemploi. “Les ardoises réutilisées, explique Anne-Marie Orsatelli, la présidente de l’association Chapelles de Pietracorbara, ont été offertes par une personne originaire de Lapedina. Elles proviennent d’une maisonnette sans toit. Ces lauzes sont désormais la parure de l’autel.”
Les initiateurs du projet ont voulu pousser plus loin la symbolique. Ils ont enchâssé dans le corps de l’autel des pierres ramenées des quatre coins du monde. Une façon de rendre hommage aux habitants de Lapedina et d’abord aux marins, très nombreux dans ce hameau. Les pierres choisies sont d’abord celles des îles : Capraia, l’île en face du Cap Corse, que l’on redécouvre chaque matin depuis Lapedina (au centre, entre la table d’autel et le premier gradin).
Il y a ensuite, la Sicile (au centre, sous la table d’autel) et, beaucoup plus loin encore, l’île-continent de Madagascar (à gauche, au-dessus du premier gradin). Et puis il y a une pierre différente, ramenée de la baie d’Halong, au Vietnam. Elle ressemble à un rayon de miel vidé de son nectar. Cette sécrétion de calcite en alvéoles se veut une évocation des très nombreux ruchers sauvages que l’on trouvait au-dessus de Lapedina.
Il y a aussi une pierre du Mexique (à gauche, au-dessus de la table d’autel et juste en-dessous du premier gradin) et un caillou de Cayenne (à droite, au-dessus du premier gradin). Mais la pierre la plus importante est le calcaire de Bethléem qui trône au centre de l’autel. Il rappelle le lieu de naissance de Jésus.
Au-dessus de l’autel se dresse une croix. « On est frappé par l’aspect contemporain de cette croix épurée, dont la sobriété s’accorde bien avec cette chapelle à ciel ouvert, explique Anne-Cécile Antoni, membre de l’association Chapelles de Pietracorbara. De plus, cette croix est inspirante. D’abord, parce ce que le bois flotté dont elle est faite est d’un blanc laiteux, comme a pu l’être l’aube du jour de la Résurrection du Christ. Ensuite, parce que la croix est irrégulière. Cette absence de symétrie intrigue. La traverse horizontale de la croix ne l’est pas tout à fait : elle se relève et pointe vers le ciel. Ce bras relevé ne désigne pas seulement le ciel : c’est à nous qu’il fait signe, en nous entraînant dans le sillage de Jésus. »
Le bois de cette croix a été ramassé à la marine de Barcaghju, à Ersa, à la pointe du Cap Corse.
Parmi les saints Guillaume dénombrés par l’Église catholique (plus d’une quarantaine), le saint Guillaume de la chapelle de Lapedina est le saint italien San Guglielmo da Vercelli (1085-1142) né au Piémont, appelé aussi San Guglielmo di Montevergine. Il est ermite et réalise de nombreux miracles.
La chapelle Saint-Guillaume de Pietracorbara se visite 24h sur 24h et sans rendez-vous. Bonne visite !
Corse-Matin a consacré un article à Saint-Guillaume dans son édition du 19 juillet 2023 :
Saint-Pancrace : « miracle » avant l’ascension
Tout en haut de Lapedina suprana se dresse, harmonieuse et fière, la chapelle de Saint-Pancrace – San Pancraziu – jeune martyr de l’Eglise primitive. Il s’agit d’un lieu de culte très ancien lui aussi orienté ouest-est. Les croyants du Cap s’y rendaient en pèlerinage. Le bâtiment a été rénové dans les règles de l’art par l’Associu curbarese, une association implantée à Lapedina. L’abbé Lhostis (encore lui !) raconte un « miracle » qui se serait déroulé à Saint-Pancrace et dont on peut encore voir la trace sous la forme d’une béquille accrochée au fond de la chapelle : elle appartiendrait au maître ébéniste Giovanni, artisan remarquable qui vécut au XIXè siècle. Il était paralysé des jambes et, un jour qu’il était à Saint Pancrace pour superviser la pause d’une niche en bois monumentale, les ouvriers, pressés de se restaurer, l’oublièrent. « Le menuisier, se voyant abandonné, raconte Lhostis, prit ses béquilles, se traîna jusqu’à la porte péniblement, puis se dressa sur ses jambes paralysées, se mit à marcher aisément et, fou de joie, il rejoignit sa maison après avoir jeté ses béquilles dont il ne se servait plus ». Cette belle histoire a marqué les esprits de plusieurs générations de Corbarais. Demeure l’une des béquilles, accrochée au mur en signe de témoignage. L’autre béquille a brûlé au cours d’un violent incendie (1990) qui a détruit l’intérieur de la petite sacristie de la chapelle et son meuble entièrement sculpté.
Plusieurs peintures décoratives au pochoir ou au trait sont encore visibles derrière l’autel. L’ensemble atteste d’une richesse certaine de la communauté des Lapedinacci. L’autel lui-même a des proportions généreuses par rapport à la taille de l’édifice. Une très belle monstrance dorée (dans laquelle on place l’hostie pour être adorée) témoigne de l’importance de ce sanctuaire.
Saint-Pancrace est l’un des lieux les plus typiques et certainement un point de vue remarquable sur l’ensemble de la vallée. C’est le véritable début de la marche sur le « Chemin de Lumière » : dernière chapelle, dernières maisons avant l’ascension vers les sommets puis la descente sur Barrettali.
Chapelles de Barrettali : “un capital architectural et d’art sacré très remarquable”
Vallée en amphithéâtre, la commune de Barrettali est lovée au centre d’un cirque de montagnes qui dégringolent de 1100 m jusqu’à la mer en moins de sept kilomètres à vol d’oiseau. Dans ses dix hameaux encore habités aujourd’hui, six chapelles construites entre le XVIème et le XIXème siècle s’étagent du niveau de la mer à 370 m d’altitude.
La seconde moitié du XIXème siècle marque la pointe haute du développement démographique (967 habitants en 1901) et économique de la commune. Elle est aussi le moment où, en raison d’un nombre important de fidèles et de prêtres, la paroisse de Barrettali donne naissance à deux nouvelles paroisses, celle de Cunchigliu (1846) et celle de Minerviu (1854).
Aujourd’hui les différentes chapelles de la commune, au riche passé, ont été entièrement restaurées. Elles constituent un capital architectural et d’art sacré très remarquable. Un travail d’inventaire particulièrement soigné a été réalisé, en 2003, par l’association Petre Scritte. Les indications mentionnées ici proviennent largement de cet inventaire et des précieux renseignements collectés par Maurice Mattei, ancien adjoint au Maire.
Les chapelles ne connaissent plus qu’une utilisation sporadique. Cinq d’entre elles sont désormais inscrites au parcours du « Chemin de Lumière ». C’est l’occasion de les découvrir ou les redécouvrir, une façon aussi de leur donner un supplément de vie.
Saint-Jean-Baptiste : la chapelle de deux hameaux
La chapelle Saint-Jean-Baptiste – San Ghjuvanni Battista – est la première des chapelles du Chemin en redescendant sur Barrettali. Par sa situation, elle offre un avant-goût magistral de ce qui attend le visiteur : un mariage subtil entre la ronde harmonie des formes et l’âpreté des lieux. Les lignes douces du Baroque répondent à l’à-pic vertigineux du site. Tout, ici, est à la fois sombre et solaire : le toit en arrondi de l’édifice, monté en lauzes extraites de la carrière toute proche de Teghja fosca (l’ardoise foncée), brille au-dessus de l’écrin ténébreux du maquis. Au fond, la mer, « cuirassée d’argent », découpe la côte en zigzags.
Saint-Jean-Baptiste est la chapelle des hameaux de U Petricaghju et Li Olmi. Elle a été construite vers 1870. En 1879 les habitants commandent au peintre corse Paul Mathieu Novellini, un tableau représentant Saint Jean-Baptiste prêchant. Mais, pour obtenir un bon prix, ils groupent leur achat avec celui des propriétaires de la chapelle privée Saint-Vincent-de-Paul à Li Olmi qui, eux aussi, souhaitent faire réaliser une oeuvre. Le peintre s’acquitte de cette double commande et consent une remise aux paroissiens.
Saint-Jean-Baptiste a gardé intact son style : façade en courbes, encadrée de « pots à feu » typiques du baroque ; joli parvis d’herbe verte régulièrement coupée; proportions équilibrées des masses. L’édifice ressemble à celui de la confrérie Sainte-Croix près de l’église Saint-Pantaléon.
Au titre des curiosités, on retiendra une belle croix de bois incrustée de nacre et montée sur socle. Elle est appelée « croix de Jérusalem », car elle a été ramenée de Terre Sainte probablement au cours de la seconde moitié du XIXème siècle.
Saint-Guillaume : grande, riche et ancienne
La date de construction de Saint-Guillaume – San Guglielmo – n’est pas connue. On sait seulement qu’en 1740 l’évêque de Nebbiu confie à l’abbé Sauveur Giudicelli la mission de restaurer l’édifice qui menace ruine. Orientée est-ouest, la chapelle est entourée de lieux-dits qui attestent de l’importance cultuelle du site. Une chapelle préromane – San Martinu – aujourd’hui disparue, s’élevait en dessous du sanctuaire actuel. Saint-Guillaume est aussi la chapelle de deux hameaux : E Mascaracce et U Poghju.
C’est la plus grande des chapelles de la commune. Elle a d’ailleurs servi de « vice-paroisse » au moment de la construction de Saint-Pantaléon (1775-1822). L’édifice a été remanié à plusieurs reprises. L’actuel maître-autel en stuc date, par exemple, de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Il possède des éléments ornementaux très particuliers : des pieds d’animaux le soutiennent ; dans le médaillon central on distingue deux ailes asymétriques étonnantes ; les « gradins » de l’autel s’élèvent avec audace et mouvement. La façade de style néo-classique est datable de la seconde moitié du XIXème siècle.
Saint-Guillaume possède aussi un retable du début du XVIème. Il a été restauré et se trouve actuellement dans l’église paroissiale de Saint-Pantaléon.
On aimera aussi deux anges en bois peint, dits « cérophéraires » qui semblent dater de la fin du XVIIème siècle. Ils devaient tenir une corne d’abondance formant un pique cierges aujourd’hui disparu.
La statue de Saint-Guillaume (ermite ) est dressée dans une très belle chasse de bois réalisé par Antoine Mattei, menuisier qui a exercé son talent au XIXème siècle.
Les yeux du saint sont en verre et sa robe, noir et or, est traitée au pinceau avec un soin extrême.
Enfin, la chapelle Saint-Guillaume possède les ossements du dernier frère, Servite de Marie du couvent de l’Annonciade de Cunchigliu (1820). Il est enterré près du chœur, dans la nef.
St-Mathieu : chapelle de famille
Saint-Mathieu – San Matteu – est la chapelle de la famille Mattei et de ses descendants installés au hameau de Torra. Elle a été construite en 1854 sur deux jardins potagers 300 ans après l’arrivée du premier Mattei à Torra. En 1898 la chapelle est restaurée : l’abside devient semi-circulaire.
Un mécène, Charles Mattei, professeur de médecine à Marseille, a offert (vers 1940) un vitrail représentant saint Charles Borromée agenouillé, corde au cou, les mains posées sur la poitrine.
En 2000, un artiste, Jean-Claude Sarpi, enfant du village, a réalisé un chemin de croix de facture moderne qui trouve sa place dans l’ensemble classique de l’intérieur.
Aujourd’hui encore, les différentes branches de la famille Mattei entretiennent la chapelle avec beaucoup de dévouement. Une association, « A capella di San Matteo » a été créée en décembre 2007 pour entretenir et restaurer le sanctuaire. Le Saint Sacrement y est régulièrement exposé. Sa présence donne lieu à des rassemblements où se rendent les habitants du hameau pour prier.
Santa Maria Assunta : la chapelle du couvent
La chapelle conventuelle de l’Annonciade – l’Annunziata – fait partie d’un ensemble comprenant un lieu de culte (la chapelle), un clocher-tour et un couvent. Ce dernier est aujourd’hui en ruine. En 1848, la paroisse de Barrettali est dédoublée : Cunchigliu est constitué en paroisse autonome, et, en 1854, on fait de même avec le hameau de Minerviu, situé entre Pino et Barrettali.
L’ensemble conventuel de Cunchigliu est mentionné en 1573. Il est tenu par l’ordre des Servites de Marie. Le principe de l’ordre des Servites est le suivant : il accepte de s’installer dans une pieve (canton) si un lieu de culte y est construit par les habitants de la communauté d’accueil. C’est le cas à Cunchigliu. Quand les moines servites s’y installent, ils sont au nombre de huit.
Le chœur de l’église est élevé dans le premier quart du XVIIème siècle et le couvent est ouvert en 1790. Au début du XVIIIème siècle, l’église connaît de nouvelles transformations. Une voûte est construite à partir de 1873 par l’architecte Pietro Giuseppe Simonpietri, originaire de Cagnano et marié à Barrettali. Il double le volume de l’édifice en rehaussant la nef et en l’allongeant. De la chapelle primitive, il ne reste plus que le chœur et une chapelle latérale dédiée à Notre-Dame-des-Sept-douleurs. On y trouve une très belle Mater Dolorosa datant du XIXème siècle.
Plusieurs autres œuvres sont intéressantes, parmi lesquelles trois tableaux de Paul Mathieu Novellini (1831-1918). Le peintre corse a peint notamment, une Vierge assise dans les nuées, l’enfant Jésus debout sur son genou gauche. Il remet le Rosaire à Saint Dominique, agenouillé (1913).
Un autre tableau mérite une attention particulière : il représente les âmes du Purgatoire que saint Antoine Abbé s’efforce de sauver. On admirera la simplicité et la vérité des visages et le côté obsédant des flammes. Cette œuvre n’est pas signée. Elle est datée de la fin du XVIIème siècle.
La chapelle conventuelle conserve, aujourd’hui encore, un charme indéniable. Un olivier pousse en face de la porte d’entrée. L’esplanade engazonnée du sanctuaire est vaste et belle. Le lieu justifie qu’on y consacre un long moment de visite.
St-Roch : la chapelle aux galets
La chapelle Saint-Roch – San Rocco – à Giottani, paraît posée sur le sable, non loin du rivage, à un jet de pierre de la mer. Elle date, semble-t-il, du XVIème siècle. Saint Roch (parfois associé à saint Sébastien) protège des maladies contagieuses, des fièvres (notamment celles introduites par les barbaresques, quand ils débarquent en Corse).
A sa construction, Saint-Roch est une chapelle en deux morceaux : la chapelle « mère », en retrait de la plage et une partie avancée, traitée sous forme de porche et simplement couverte d’un auvent. En 1890, on habille ce porche et on le rattache à la partie fermée. Le tout est surmonté d’un élégant clocheton. Le bâtiment d’un seul tenant a été joliment restauré en 2000.
A l’intérieur, derrière l’autel, un tableau représente saint Roch et saint Erasme (patron des marins) qui avait, près de Canari, sa chapelle aujourd’hui en ruines.
Sur l’autel blanc, trône une croix en fer forgé plantée dans un galet roulé. Le parvis est aussi décoré de petits galets de la plage toute proche.
Comme à Pietracorbara qui a aussi sa chapelle dédiée à saint Roch (curieusement on parle dans ce village, de Santi Roccu et non de San Roccu comme à Barrettali) une procession est organisée tous les 16 août, jour où l’on fête le saint.